Les effets du télétravail sur les économies d’énergie

 

Jean-Benoit Lafond, Directeur technique et performance chez A4MT, est intervenu dans la réunion candidats CUBE ETAT du 12 mars 2024 pour présenter un keynote sur la restitution d’une étude menée sur le bilan énergétique du télétravail réalisée par l’IFPEB.  

Le ministère de la transition énergétique a commandé une étude pour évaluer et révéler le bilan énergétique du télétravail, avec une expérimentation qui est fondée sur la mesure.  

 

Une étude fondée sur la mesure  

 

Une dizaine de sites ont participé à cette expérimentation qui duré pendant 5 mois (hiver 2022-2023), notamment de l’ADEME, du Ministère de la Transition Energétique, parmi d’autres services déconcentrés.
Ces sites étaient situés en zone urbaine dense, exemple : Paris, en zone semi-rurale (dans le sud de la France), avec des zones climatiques bien différentes en fonction de la localisation.
Une centaine d’agents volontaires ont été mis à contribution pour suivre leur propre consommation énergétique.
C’est une étude dite “transsectorielle”, l’impact du télétravail a été vérifié au niveau des bâtiments tertiaires, au niveau des logements ainsi que les transports qu’ils devaient mobiliser pour se rendre sur leur lieu de travail.  

L’objectif de l’étude était de venir transmettre des protocoles et un mode opératoire pour comprendre et sélectionner les bons bâtiments tertiaires avec de forts gisements pour pouvoir économiser de l’énergie.  

 

Le bilan énergétique global est positif  

 

 

L’étude montre que le télétravail est favorable, à la condition que l’on vienne fermer les bâtiments tertiaires.
En fonction de la localisation des bâtiments et de leur potentiel à réaliser des économies d’énergie (dans l’hypothèse d’une fermeture) : il y a une oscillation entre 25 et 35% des économies d’énergie sur ces journées de fermeture.
Ces économies sont globales, réparties entre le tertiaire, les transports et l’impact potentiel au sein des logements lorsque les agents sont en télétravail.
Le bilan est encore plus favorable au niveau du carbone, il y a entre 30 et 45% d’économies réalisées, qui sont là aussi, très dépendantes de la localisation.
En étant situé en zone urbaine dense, l’impact énergétique est situé autour des 25%, dans les zones semi-urbaines ou rurales l’impact énergétique peut-être plus important et l’impact carbone l’est encore plus, du fait de la mobilité liée au travailleur (plus centrée autour de la mobilité et de la voiture individuelle). Le transport évité contribue à augmenter significativement les économies de carbone réalisées.  

 

Illustration pour une personne travaillant à Paris  

 

 

Ce graphique affiche les consommations moyennes journalières par agent sur la période hivernale 2022-2023.
L’histogramme en bleu foncé représente les journées où la majorité des agents sont présents sur sites, le bleu clair représente les jours de fermeture, lorsque tous les agents étaient en télétravail.
Ainsi, l’étude met en valeur l’écart énergétique entre les 2 scénarios.
En effet, lorsque tous les agents sont en télétravail, les économies de transport réalisées sont très importantes.
Dans le tertiaire, les gestionnaires ont su mettre en place des actions pour mettre en sommeil le bâtiment lorsqu’il est inoccupé (week-end, période de fêtes de fin d’année, etc.), le gain est proche de 50% en moyenne en région parisienne.

Nous pouvons nous attarder sur l’effet du résidentiel.  L’étude a pu révéler que “l’effet rebond” est proportionnellement assez faible (+8%) par rapport aux économies évitées dans les 2 autres secteurs.
Le bilan énergétique est donc plutôt favorable pour une personne travaillant à Paris.  

 

Impact de la localité et de la nature du mode de transport domicile-travail 

 

Un bâtiment tertiaire qui est très énergivore et peu densément occupé possède un bon potentiel d’économies d’énergie.
A partir du moment où il y a une organisation du télétravail sur certaines journées très spécifiques, par exemple le vendredi avant le week-end, sans que cela ne change toutes les règles sociales qui gravitent autour des agents, des services ou même du secteur privé, l’effet est notable.
En effet, l’IFPEB ne conclut pas l’étude en disant qu’il faut absolument augmenter le nombre de jours télétravaillés, c’est plutôt de réfléchir sur certaines journées : par exemple le vendredi afin de pouvoir maximiser les réduits qui sont potentiellement déjà mis en place le week-end.

De la même façon les économies en carbone réalisées en zone péri-urbaine et rurales peuvent aller jusqu’à 75%, en fonction de la proximité des agents avec leur bâtiment (économies fortement liées aux transports évités).  

 

Comprendre les comportements dans les logements  

 

Le faible taux d’effet rebond dans les logements (8%) a été analysé dans la seconde partie de l’étude.
Les agents volontaires ont en grande majorité (à hauteur de 70%) indiqués lors d’un questionnaire qu’ils ont changé leurs habitudes de chauffage au cours de l’hiver 2021, par rapport à l’hiver 2022, avec 3 raisons principales :  

  • Limiter l’augmentation de la facture énergétique ; 
  • Faire un geste pour la planète ; 
  • Contribuer à la baisse de consommation énergétique en France.  

Les différentes directives et demandes faites par le gouvernement à propos de la sobriété énergétique semblent avoir été acceptées et appliquées dans le secteur résidentiel.  

Ces résultats rejoignent les réponses d’un sondage de l’IFOP (Les attitudes et comportements des Français vis-à-vis du chauffage) qui montre que 70% des gens interrogés (2530 personnes) étaient prêts à appliquer un réduit de température. 

L’échantillon étant relativement faible du point de vue du nombre d’agent, il n’a pas vocation à être représentatif de la France, en revanche il est intéressant de noter que proportionnellement les agents ont annoncé avoir effectué à peu près les mêmes réduits que ce que le sondage IFOP a mis en lumière.

 

 

Le comportement des volontaires a été classé en fonction de 4 grands profils.
Les volontaires qui ont des comportements très sobre, les “sobres contrariés” qui souhaitent aller plus loin mais une occupation dans leur logement ne leur permet pas d’être en mode réduit, par exemple : des personnes du 3ème âge ou des enfants (le mercredi par exemple).
Les réticents à aller plus loin sur le mode réduit et les actions de sobriété énergétique et enfin les indifférents représentaient les différentes persona.
 

Le type d’énergie du logement explique un effet rebond plus ou moins important selon les cas, en effet il est plus important lorsque la production du chauffage est électrique, plutôt qu’au gaz individuel.  

 

Les freins pour faire un réduit dans les logements en cas d’inoccupation en semaine 

 

Selon l’étude, 34% des volontaires ne font pas de réduit de température pour des raisons très diverses.  

1.L’humain : comportement, connaissances techniques, confort thermique, peur de surconsommer si je fais du réduit… 

2.L’occupation : les logements sont occupés même les jours travaillés (conjoint, personnes âgées, enfants, animaux domestiques…). 

3.Les difficultés techniques : pour faire le réduit (facilité du pilotage…). 

 

Déployer plus largement la démarche  

 

L’étude est également destinée à donner des éléments d’actions pour les gestionnaires de site.
Des interviews ont été menées avec des gestionnaires de site pour comprendre comment il est possible de mettre en sommeil un bâtiment.
La plupart des interrogés ont répondu que les équipements techniques ne sont pas pensés pour mettre en sommeil partiellement un bâtiment.
Pour pouvoir générer des économies d’énergie avec le télétravail, il faut donc mettre en sommeil totalement la majorité de ces bâtiments, il n’y a donc pas seulement le levier technique à activer, mais aussi l’humain en embarquant les différents services, en renouant un dialogue social.  

L’étude propose ainsi un mode opératoire pour organiser la fermeture de site et le télétravail associé :  

  • Un fort enjeu de communication, pour engager les utilisateurs et/ou les collaborateurs ;  
  • Critères à vérifier : densité et taux d’occupation, kWh/m², localisation, mono ou multi occupation, compatibilité des métiers avec le télétravail, zones de regroupement, etc… Ces critères permettent de vérifier le potentiel de gisement d’économies d’énergie que possède un bâtiment donné ; 
  • Cartographie et choix des bâtiments pour une mise en sommeil ; 
  • Organisation, dialogue social, protocole technique de fermeture avec les différents responsables de sites, de services, etc.  

Certains cubistes de l’Etat ont participé à la réalisation de cette étude, et ont mis en place des actions de fermeture ciblées, notamment sur la période située entre Noël et le nouvel an.
En 2024, des fermetures sont également prévues autour des ponts du mois de mai.  

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